- ROBERT (M.)
- ROBERT (M.)ROBERT MARTHE (1914-1996)Née à Paris, Marthe Robert fait ses études à la Sorbonne puis à l’université J. W. Goethe de Francfort-sur-le-Main. De retour à Paris, elle se lie d’amitié avec Roger Gilbert-Lecomte, Arthur Adamov et Antonin Artaud. En compagnie d’Adamov, elle fonde la revue L’Heure nouvelle , où elle publie ses premières traductions de Kafka. En 1946, après un voyage à Rodez où elle voit Antonin Artaud interné, elle aide Arthur Adamov et Michel de M’Uzan — son futur mari — à lancer chez les artistes et les écrivains un vaste mouvement d’opinion pour faire libérer le poète.Fidèle traductrice de Kafka — on lui doit notamment les traductions du Journal , de la Correspondance 1902-1924 , des Lettres à Félice et de Préparatifs de noces à la campagne —, mais aussi de Goethe, de Nietzsche ou de Robert Walser, Marthe Robert est également connue comme essayiste et lectrice attentive. L’Ancien et le nouveau (1963), sous-titré «De Don Quichotte à Franz Kafka», inaugurait avec brio ce qu’on pourrait nommer «la manière Marthe Robert», qui se situe à la confluence de différents courants de pensée et qui peut se résumer en trois temps: une lecture psychanalytique (Marthe Robert fit une cure psychanalytique dont elle a tiré un livre, La Révolution psychanalytique ); une lecture des grands mythes fondateurs de notre modernité; enfin, une lecture plus personnelle d’où la passion, avec ses exigences et ses intransigeances, n’est pas exclue. Psychanalyse et judaïsme fournissent le sujet de l’essai sur Freud: D’Œdipe à Moïse (1974). Dans L’Ancien et le nouveau , Marthe Robert analyse le mouvement qui a traversé l’histoire du roman, à savoir, ainsi qu’elle l’écrit elle-même, «le mouvement d’une littérature qui, perpétuellement en quête d’elle-même, s’interroge, se met en cause, fait de ses doutes et de sa foi à l’égard de son propre message le sujet même de ses récits». Le livre devient alors «impossible, sans cesse à faire, sans cesse à recommencer». Dans Roman des origines et origines du roman (1972), elle s’intéresse au roman en tant que genre littéraire. Il lui apparaît comme l’unique moyen pour un individu de «reconstituer son histoire intérieure, ou, si l’on préfère, son roman originel». Et celui qui comprit sans doute le mieux cela, jusqu’à l’incarner de manière brûlante et absolue, c’est Kafka, dont Marthe Robert parle dans presque tous ses livres, décryptant inlassablement l’énigme qu’il a proposée au monde à travers son œuvre et sa vie. Dans Livre de lectures, I (1977), Marthe Robert confie, en notes éparses, le ravissement que lui procure la lecture quotidienne de cet écrivain. Elle avoue même s’être sentie devenir, certaines fois, «son double». Mais c’est dans Seul, comme Franz Kafka (1979) qu’elle a laissé libre cours à sa connaissance et à son amour de l’univers kafkaïen, en le resituant dans la tradition judaïque et en en analysant la structure, l’ambiguïté et la langue volontairement neutre, «sans qualités». Suivront un essai sur Flaubert: En haine du roman (1982), fortement marqué par la psychanalyse, et plusieurs autres «livres de lectures», dont La Tyrannie de l’imprimé (1984), où Marthe Robert se révèle une critique incisive, déplorant l’état de délabrement de la langue française et la pauvreté des comptes rendus littéraires dans laquelle elle voit «un symptôme de mort, ou tout au moins de grave maladie» de la littérature elle-même. Elle poursuit ces réflexions dans son quatrième livre de lectures, Le Puits de Babel (1987), ainsi intitulé d’après l’aphorisme de Kafka mis en exergue: «Nous creusons le puits de Babel.» La Traversée littéraire (1994) réunit une belle moisson d’articles, de conférences et d’essais publiés entre 1960 et 1993.
Encyclopédie Universelle. 2012.